
SPINOZA A L’EPREUVE DU JUDAISME
Compte rendu de la Conférence du Rabbin SULTAN
Le mercredi 7 décembre 2011 à 20 heures, une conférence sur le thème « SPINOZA, à l'épreuve du Judaïsme, Quel regard rabbinique aujourd'hui ? », a réuni, autour du Président Claude LOUFRANI et des membres de la Loge Joseph KESSEL, un auditoire particulièrement attentif pour savoir, entre autres, si l’anathème subi par Spinoza était toujours opportun aujourd’hui.
Le mérite en revient à la qualité exceptionnelle du conférencier, le Rabbin Nissim-Nathan SULTAN, formé à l'école Rabbinique de France, Rabbin d'Aix-en-Provence depuis 2008, co-fondateur de l'Union des Etudiants Juifs du Pays d'Aix-en-Provence, dirigeant du Beth Hamidrach, enseignant à l’Institut Interuniversitaire d’Etude et de Culture Juive et à l’Ecole Juive d’Aix-en-Provence, aussi membre de la Commission Bioéthique et Judaïsme du Consistoire de Paris et de la Commission Ethique des Affaires du Consistoire Central, commissions co-présidées par le Grand Rabbin de France Gilles BERNHEIM.
Pour notre plus grand plaisir, nous avons entendu un Rabbin parlant de philosophie, plus encore, un Rabbin parlant, d’un Juif hollandais du 17éme, Baruch SPINOZA, aussi universellement connu pour sa pensée originale que pour sa fracture par rapport au judaïsme de son époque et des commentaires qui s’y attachent.
Dans un style et un ton parfait, le Rabbin SULTAN a d’abord revisité le contexte juif duquel est issu Baruch Spinoza, l’historique des communautés juives d’Amsterdam au début du XVIIème siècle, son élite rabbinique et les enjeux de la reconstruction d’une identité. Resituer ainsi ce qu’a pu être le parcours de ce juif descendant de marranes, dans un pays de tolérance religieuse, situation inhabituelle pour l’époque, devait répondre à un paradoxe : comment Spinoza aurait pu être pétri d’expérience talmudique poussée, vivre dans l’intimité du texte juif et se poster depuis l’extérieur des « Ecritures », dans un rapport au texte où cette intimité ne se retrouve pas.
Dans ce premier mouvement, l’hypothèse du Rabbin Sultan voisine de celle développée par Emmanuel LEVINAS (in L’au-delà du Verset) admet que Spinoza ait été initié par ses maîtres, notamment le fameux Rabbin Saül MORTERA.
Pour autant sa formation n’aurait probablement pas atteint la qualification de talmudiste et encore moins approchée l’ordination rabbinique. Ce serait quasiment en autodidacte privé d’expérience talmudique et midrashique conséquente que Spinoza aurait appréhendé d’autres corpus de la pensée juive voire de la mystique.
Dans un deuxième temps, l’historique de la rupture qui culmine avec le Herem - « excommunication » - a nécessité quelques éclaircissements halakhiques sur la nature et surtout la portée de l’exclusion. A travers le responsum du Grand Rabbin HERZOG, Grand Rabbin d’Israël à sa création, il a été démontré que le cas Spinoza n’était pas en marge des autres philosophes et que le Herem, touchant plus précisément la personne de Spinoza, prenait fin avec sa mort.
En outre, la sévérité des termes du Herem ne doit pas faire oublier le contexte social, politique et religieux obligeant la communauté juive à agir dans le sillage de l’Eglise protestante, ou encore à envoyer un message clair à une génération de juifs dont les atermoiements identitaires et idéologiques les rapprochaient dangereusement, pensait-on, de l’assimilation.
Par cette conférence, nous avons entendu le discours d’un vrai Rabbin sachant parler d’un juif athée et rejeté, utilisant brillamment ses références talmudiques, mais aussi philosophiques, dans le souci de dédramatiser la nature des rapports que le judaïsme peut entretenir avec Spinoza.
Si Spinoza n’est pas l’apostat que l’on a bien voulu dépeindre, compte tenu de sa réelle expérience de l’enseignement rabbinique, sa pensée, ancrée dans l’universel, reste estimable en tant que telle, même si elle ne s’exprime pas directement au nom du judaïsme. Sans doute, les origines juives de Spinoza donneront à penser, autour de nombreux aspects de ses doctrines, qu’il demeure un juif pensant par et pour l’universel.
Selon le Rabbin SULTAN, s’il apparait exagéré et surtout inutile de vouloir « ramener Spinoza à la maison » comme certains spinozistes, parfois très proches de la pratique et de l’enseignement du judaïsme, le désirent ardemment, l’analyse des convergences et divergences avec les pensées juives (panthéisme, finalisme, libre arbitre, joie de l’étude etc.) donne des perspectives d’enrichissement intellectuel et éthique quasi illimitées.
Dans le cadre de nos activités pour une diffusion du savoir et une meilleure connaissance de cette pensée juive, qui a éclairé le monde, la Loge Joseph KESSEL aura certainement l’opportunité de revoir et d’entendre très prochainement le Rabbin SULTAN pour profiter de son immense culture du monde hébraïque qu’il sait si bien transmettre.
Nous attendons ces moments avec impatience.
Pour tous renseignements sur la Loge Joseph KESSEL du B’nai B’rith de Marseille, merci de prendre contact par mail à l’adresse :
bb.joseph.kessel@numericable.fr
Compte rendu de la Conférence du Rabbin SULTAN
Le mercredi 7 décembre 2011 à 20 heures, une conférence sur le thème « SPINOZA, à l'épreuve du Judaïsme, Quel regard rabbinique aujourd'hui ? », a réuni, autour du Président Claude LOUFRANI et des membres de la Loge Joseph KESSEL, un auditoire particulièrement attentif pour savoir, entre autres, si l’anathème subi par Spinoza était toujours opportun aujourd’hui.
Le mérite en revient à la qualité exceptionnelle du conférencier, le Rabbin Nissim-Nathan SULTAN, formé à l'école Rabbinique de France, Rabbin d'Aix-en-Provence depuis 2008, co-fondateur de l'Union des Etudiants Juifs du Pays d'Aix-en-Provence, dirigeant du Beth Hamidrach, enseignant à l’Institut Interuniversitaire d’Etude et de Culture Juive et à l’Ecole Juive d’Aix-en-Provence, aussi membre de la Commission Bioéthique et Judaïsme du Consistoire de Paris et de la Commission Ethique des Affaires du Consistoire Central, commissions co-présidées par le Grand Rabbin de France Gilles BERNHEIM.
Pour notre plus grand plaisir, nous avons entendu un Rabbin parlant de philosophie, plus encore, un Rabbin parlant, d’un Juif hollandais du 17éme, Baruch SPINOZA, aussi universellement connu pour sa pensée originale que pour sa fracture par rapport au judaïsme de son époque et des commentaires qui s’y attachent.
Dans un style et un ton parfait, le Rabbin SULTAN a d’abord revisité le contexte juif duquel est issu Baruch Spinoza, l’historique des communautés juives d’Amsterdam au début du XVIIème siècle, son élite rabbinique et les enjeux de la reconstruction d’une identité. Resituer ainsi ce qu’a pu être le parcours de ce juif descendant de marranes, dans un pays de tolérance religieuse, situation inhabituelle pour l’époque, devait répondre à un paradoxe : comment Spinoza aurait pu être pétri d’expérience talmudique poussée, vivre dans l’intimité du texte juif et se poster depuis l’extérieur des « Ecritures », dans un rapport au texte où cette intimité ne se retrouve pas.
Dans ce premier mouvement, l’hypothèse du Rabbin Sultan voisine de celle développée par Emmanuel LEVINAS (in L’au-delà du Verset) admet que Spinoza ait été initié par ses maîtres, notamment le fameux Rabbin Saül MORTERA.
Pour autant sa formation n’aurait probablement pas atteint la qualification de talmudiste et encore moins approchée l’ordination rabbinique. Ce serait quasiment en autodidacte privé d’expérience talmudique et midrashique conséquente que Spinoza aurait appréhendé d’autres corpus de la pensée juive voire de la mystique.
Dans un deuxième temps, l’historique de la rupture qui culmine avec le Herem - « excommunication » - a nécessité quelques éclaircissements halakhiques sur la nature et surtout la portée de l’exclusion. A travers le responsum du Grand Rabbin HERZOG, Grand Rabbin d’Israël à sa création, il a été démontré que le cas Spinoza n’était pas en marge des autres philosophes et que le Herem, touchant plus précisément la personne de Spinoza, prenait fin avec sa mort.
En outre, la sévérité des termes du Herem ne doit pas faire oublier le contexte social, politique et religieux obligeant la communauté juive à agir dans le sillage de l’Eglise protestante, ou encore à envoyer un message clair à une génération de juifs dont les atermoiements identitaires et idéologiques les rapprochaient dangereusement, pensait-on, de l’assimilation.
Par cette conférence, nous avons entendu le discours d’un vrai Rabbin sachant parler d’un juif athée et rejeté, utilisant brillamment ses références talmudiques, mais aussi philosophiques, dans le souci de dédramatiser la nature des rapports que le judaïsme peut entretenir avec Spinoza.
Si Spinoza n’est pas l’apostat que l’on a bien voulu dépeindre, compte tenu de sa réelle expérience de l’enseignement rabbinique, sa pensée, ancrée dans l’universel, reste estimable en tant que telle, même si elle ne s’exprime pas directement au nom du judaïsme. Sans doute, les origines juives de Spinoza donneront à penser, autour de nombreux aspects de ses doctrines, qu’il demeure un juif pensant par et pour l’universel.
Selon le Rabbin SULTAN, s’il apparait exagéré et surtout inutile de vouloir « ramener Spinoza à la maison » comme certains spinozistes, parfois très proches de la pratique et de l’enseignement du judaïsme, le désirent ardemment, l’analyse des convergences et divergences avec les pensées juives (panthéisme, finalisme, libre arbitre, joie de l’étude etc.) donne des perspectives d’enrichissement intellectuel et éthique quasi illimitées.
Dans le cadre de nos activités pour une diffusion du savoir et une meilleure connaissance de cette pensée juive, qui a éclairé le monde, la Loge Joseph KESSEL aura certainement l’opportunité de revoir et d’entendre très prochainement le Rabbin SULTAN pour profiter de son immense culture du monde hébraïque qu’il sait si bien transmettre.
Nous attendons ces moments avec impatience.
Pour tous renseignements sur la Loge Joseph KESSEL du B’nai B’rith de Marseille, merci de prendre contact par mail à l’adresse :
bb.joseph.kessel@numericable.fr