Retour sur la scène, néonazie en Allemagne et en France

En Allemagne, l'auteur de violences xénophobes, très jeune dans 70% des cas, ne correspond pas forcément au portrait-robot du néo-nazi confirmé et organisé en groupuscule.
L'allemand Wilhelm Heitmeyer de l'Université de Bielfeld, estime que les jeunes se retrouvent confrontés à une perte d'identité qu'ils essaient dans certains cas de surmonter par la violence. Ils peuvent alors recourir à un langage et/ou à un "look" néo-nazi. Selon lui, le fond du problème c'est en réalité la désintégration sociale à laquelle on assiste.
Un film de la télévision allemande "Hass im kopf" ("avoir la haine") du scénariste Uwe Freissner, évoque cette situation.
Quelques jeunes vivent dans une petite ville allemande ordinaire. Ils sont très vite entraînés dans la violence. Il s'agit d'abord pour eux de se forger une identité, au-delà presque une "virilité".
Tout s'enchaîne, la recherche du coupable, l'éternel bouc émissaire, ici un petit épicier d'origine turque. Puis, les jeunes désœuvrés profanent un cimetière et assassinent une vieille femme. Freissner ne veut pas excuser, il s'interroge.
Le téléfilm "L'école de la haine" de l'allemand Hanno Brühl peint le même univers glauque et cauchemardesque.
Robin a 16 ans, cheveux roux et regard de chien battu. Entre un père parti refaire sa vie et une mère absente, la vie de Robin se délite. Robin a soif de reconnaissance et d'affection, besoin de s'affirmer et de se mesurer aux autres. Séduit par un camarade de classe qui ne cache pas sa xénophobie, il cède doucement. Pour finalement s'échouer chez Bernd, qui anime un réseau néo-nazi dans une citée bétonnée. L'accueil y est chaleureux. Commence alors une descente aux enfers, rapide et ultra violente. En épousant ainsi le néonazisme, ils commettent autant d'actes criminels.
Rappelons ici que les terroristes néo-nazis -dits "politiques"- sont le plus souvent d'abord des criminels de petite délinquance. L'idéologie ne vient qu'afin de justifier leurs crimes plus graves et leur donner un sens. Un cas de figure que l'on rencontre dernièrement en Allemagne avec l'affaire de la "cellule de Zwickau" (un trio terroriste néo-nazi financé à coups de braquages de banques a assassiné neuf personnes), dont le procès en fait celui de la seule survivante, Beate Zschäppe - s'est ouvert à Munich.
Cette affaire a révélé une faillite assez grave des services de renseignements, incapables d'anticiper et d'alerter sur la dérive radicale du groupe en question.
Et en France, que se passe-t-il?
Nicolas Lebourg, spécialiste des extrêmes droites, résume ce qu'il en est de la scène néo-nazie en France (nouvelobs,18-07-2013): "Le pays n'a pas connu de groupe néo-nazi réellement étoffé depuis la disparition du Parti nationaliste français et européen (PNFE) à la fin des années 1990, disparition pour partie provoquée par la répression consécutive à de multiples violences, y compris à caractère terroriste".
Certes, mais il faut cependant noter qu'en France la scène néo-nazie n'a pas complètement disparu.
Ainsi, en janvier 2013, les skinheads qui sèment la terreur occasionnellement dans les rues de Besançon se manifestent en gazant les clients d'un bar du quartier Rivotte. En février, le leader d'un groupuscule franc-comtois se revendiquant clairement du néonazisme sort de prison, où il était incarcéré depuis 2010 pour des nouveaux faits de violence sur un jeune d'origine turque; un certain Marc B., identitaire ultra radical connu pour ses actes brutaux. Leur groupe dénommé "Radikal Korps" rassemblent les skinheads de la région. L'objectif de la bande? Organiser des actions coup de poing, des concerts, des rassemblements de soutien aux prisonniers ultranationalistes, etc.
Le mouvement est aussi en lien avec d'autres formations du même type.
L'on note par exemple plusieurs rencontres avec le Bunker Korps à Lyon, comme à Paris le 9 mai 2010. En mai 2013, un rassemblement de néo-nazis était attendu dans les Pyrénées-Orientales. Des skinheads de plusieurs pays se seraient donné rendez-vous, officiellement pour un concert de rock. En réalité, des rencontres entre groupuscules, des séances de tirs et un concours de salut hitlérien auraient figuré au programme de ce rassemblement.
En juin 2013, Clément Méric, un jeune d'extrême-gauche âgé de 18 ans décède à la suite d'une rixe avec de jeunes skinheads près de la gare Saint-Lazare à Paris. En juillet 2013, le norvégien Kristian Vikernes, un néo-nazi norvégien, sympathisant d'Anders Breivik, l'auteur de la tuerie d'Utoya en juillet 2011, est interpellé en Corrèze.
La police le soupçonne de préparer un "acte terroriste d'envergure". Ouvertement raciste et antichrétien, il voue un culte aux dieux nordiques comme Odin. A plusieurs reprises, il est poursuivi pour avoir incendié des églises.
En avril 2011, Vikernes avait signé une tribune (en français) sur son site internet personnel. Intitulé "Chère France", ce texte appelait les Français à voter pour le FN.
En avril 2014, un rassemblement "à caractère néo-nazi" réunit le 23 avril plus de 200 personnes venues de France et d'Allemagne, dans un village situé près des frontières suisse et allemande, louée pour l'occasion. Il est vrai que face aux restrictions et à la médiatisation auxquelles ils sont exposés en Allemagne, les néo-nazis allemands et quelques français ont trouvé une parade depuis des années pour faire la fête: traverser les frontières. En France, l'Alsace et la Lorraine sont des destinations prisées.
A Volmunster (Moselle), des néo-nazis allemands disposeraient même d'un chalet privé sur un lopin de terre isolé pour pouvoir y organiser des concerts en toute tranquillité. «Je ne sais pas si le terrain est à eux, mais il appartient à un Allemand», déclare le maire de la commune (20 minutes, 27 avril 2014). "De temps en temps", des gens "viennent avec une semi-remorque et font de la musique", témoigne-t-il. "Mais ils ont de l'ordre. Le lendemain il n'y a plus rien et c'est propre". Personne ne se plaint non plus. "Qu'est-ce que vous voulez faire?", lance le maire.
De l'ordre? Et de quelle musique s'agit-il au juste?
Lisons les paroles d'une chanson de l'un de ces groupuscules, Panzerjager (2001 - 2009): "Aiguise ton couteau, ta lame doit être affûtée. Afin de mieux pénétrer dans ces corps gras et infâmes. Le sang doit couler, gourdins hors de l'uniforme. Nous chions sur la liberté de cette république juive. Le sang doit couler, gourdins hors de l'uniforme. Nous chions sur la liberté de cette république juive. Pends le cochon noir dans les synagogues déclenches une pluie de grenades dans les parlements véreux".
Les autres groupes sont tout aussi terrifiants. C'est là la triste réalité du néonazisme en France, ils sont peu nombreux, un petit millier tout au plus. Ce qui ne doit pas pour autant ne pas nous inquiéter.
Marc Knobel Historien, Directeur des Etudes du CRIF-Source : Le Huffington post