
En ce jour charnière entre Yom Hazikaron et Yom Haatsmaout, mon père, 95 ans, m’a encore raconté ses souvenirs de la 2ème guerre mondiale dans l’Armée Rouge Soviétique, puis son combat pour l’indépendance d’Israël en 1948 dans la brigade Guivati. Un destin incroyable qui donne la valeur de son engagement transmis aux 3 générations qui le suivent.
Pessah, fête de la transmission et de la libération.
Cette année, j’avais 4 générations autour de ma table de Pessah.Depuis mon père, 95 ans, né en Russie en 1919 jusqu’à mon petit-fils, 1 an, né à Paris. Un destin qui est significatif de l’Histoire du Peuple Juif.
Mon père s’est battu dans la cavalerie Soviétique pendant la 2eme guerre mondiale. Terrible destinée d’un jeune homme de 20 ans qui doit partir au service militaire juste avant l’attaque d’Hitler sur la Russie de Staline.
C’est la dernière fois qu’il verra son père, clarinettiste Klezmer, qui l’a accompagné au train. Il sera assassiné à Treblinka, comme des milliers de Juifs russes.
Ma mère a vécu les angoisses du ghetto, adolescente cachée sur un toit un jour de rafle, puis cachée par les paysans polonais, tant que mon grand-père avait de quoi payer pour leur survie.
Puis, après s’être connus à la fin de la guerre, mon père ira en 1947 en Palestine rejoindre les rangs des Guivati comme conducteur de mules. Il se battra pour l’indépendance d’Israël, jusqu’au moment où il verra une cousine de ma mère qui lui dira qu’elle vit à Toulouse.
Retour en Israël au début des 50’s en période de rationnement, la Tséna, dans un Tel Aviv aux antipodes de la ville actuelle.
Puis ca sera le retour à Toulouse avec un bébé pour rapprocher ma mère de sa famille.
Conditions psychologiques trop dures après avoir passé ensemble l’horreur de la Shoah dans les forêts polonaises.
Le rapprochement familial se fera en France, mon père n’ayant plus de famille. Pessah marque bien cette libération de l’esclavage et de l’asservissement du Peuple Juif. Une épopée où la famille prend tout son sens, dans le support et l’entraide mutuelle, depuis la peur et la haine antisémite jusqu’à l’arrivée en Terre Promise.
Hommage aux créateurs de l’Etat d’Israël
Quand mon père me montre ses photos en soldat Russe ou Israélien, je vois un Livre d’Histoire ouvert et vivant.
Lors de la retransmission du Yom Hazikaron, il m’a juste dit qu’il était fier de voir cette belle armée.
Il m’a dit qu’ils n’avaient pas de si beaux uniformes, seulement des armes tchèques passées en douce en Palestine.
A cette époque, les Pionniers de l’Etat d’Israël ne se demandaient pas s’ils auraient l’air conditionné ou des aides à l’achat de biens.
Ils arrivaient mains nues, sans bagages, souvent sans famille.
Leurs familles étaient restées dans les cendres ou les fosses communes des charniers en Europe.
Aucun espoir de retour, aucun espoir de vivre dans l’opulence sur une terre hostile : climat, environnement, ennemis.
Il fallait soit être fou, soit n’avoir aucun autre endroit où aller, soit être totalement idéaliste. Ou les 3 à la fois.
Mon père raconte sans cesse ces histoires, photos à l’appui, d’un temps où Israël n’était pas la start-up Nation.
A peine une Nation, quelques semaines d’existence.
Et une foi dans l’avenir, Ein Brera, pas le choix.
Hommage à ces pionniers, à ces soldats arrivés d’on ne sait où, on ne sait comment, mais qui ont créé cet état d’Israël, dont nous sommes si fiers désormais.
Bernard Musicant Vice-président de la Loge Paris-Jérusalem du B’nai B’rith France