B'NAI B'RITH FRANCE
Bienfaisance, Amour fraternel, Harmonie. La plus ancienne association Juive humanitaire mondiale (1843)
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L’histoire du B’nai B’rith : des frères aux fils


Mercredi 7 Mars 2012

Planche de Max Kohn, Président de la loge Sigmund Freud, le 4 mars 2012



L’histoire du B’nai B’rith : des frères aux fils
L’histoire du B’nai B’rith : des frères aux fils

Max Kohn(1)


Cornelia Wilhelm est professeur au département d’histoire et d’études juives de l’Université Emory aux États-Unis ainsi qu’au département d’histoire de l’Université Ludwig Maximilian à Munich en Allemagne. Son livre (2) porte sur l’histoire du B’nai B’rith entre 1843 et 1914. C’est un ouvrage d’historien qui permet au lecteur de mieux comprendre l’histoire du B’nai B’rith au XIXe siècle et sa place aujourd’hui. C’est complémentaire du livre de David Malkam.(3)

Communauté, congrégation, société

La transition d’une communauté comme la kehillah à la société moderne composée d’individus est au centre de ce livre. La congrégation américaine avait exclusivement des fonctions religieuses plutôt que des fonctions communautaires au début du XIXe siècle. Cette congrégation américaine est organisée par des hommes d’une façon démocratique plutôt que par une institution religieuse ou par l’État. Les Juifs qui n’avaient pas l’obligation de rejoindre une telle congrégation étaient confrontés à la possibilité de vivre des modèles citoyens nouveaux au niveau religieux en tant qu’Américains.

L’Alliance avec Dieu

La société américaine est une société ouverte qui permet aux Juifs qui arrivent au XIXe siècle de trouver une place en tant qu’individu et rejoindre cette société librement. Ce qui était particulièrement significatif pour la nouvelle identité du groupe d’immigrant c’était l’Alliance avec Dieu. Cette Alliance unissait les membres individuels d’un groupe à l’intérieur d’une communauté et cela servait aussi pour faire le relais vers l’identité nationale américaine qui s’était aussi définie selon ce modèle. Il faut ajouter à cela que les dirigeants du mouvement réformiste se posaient la question de savoir comment maintenir l’identité juive et l’universalisme juif en essayant d’orienter ce particularisme juif qu’était l’Alliance entre Dieu et Abraham vers une sorte de mission qui portait vers l’intérieur mais qui pouvait aussi porter vers l’extérieur. Ainsi, l’Alliance avec Dieu était un point de départ pour s’impliquer de manière importante dans le judaïsme moderne dans la société civile. Pour réaliser sa mission, Israël devait maintenir son identité et s’assurer qu’elle ne perdait pas son essence dans son désir d’acculturation.
Cette société américaine qu’il n’y a ni à idéaliser ni à rejeter est une société qui permet donc au désir du sujet ou au désir du groupe de trouver sa place. Et massivement on peut dire que le B’nai B’rith a représenté au XIXe siècle un espace transitionnel pour les Juifs allemands qui sont venus s’installer aux États-Unis à cette époque-là entre une tradition religieuse orthodoxe qu’ils avaient déjà remis en question avec le mouvement réformiste et la société américaine elle-même.

La paternité de Dieu et la fraternité des hommes

Les francs-maçons et leur système de loges et les organisations identiques permettaient à ces Juifs d’accéder à des formes universalistes d’une religiosité du XIXe siècle et à des sociétés civiles. Les laïcs pouvaient devenir des individus motivés religieusement et on pouvait demander aux membres du groupe laïc la validité du principe de la paternité de Dieu et du principe de la fraternité des hommes. Ce sont des valeurs universelles. Reconnaître la paternité de Dieu et la fraternité des hommes ne veut pas dire pratiquer une religion. Il y a donc déjà dans la formation des B’nai B’rith cette hésitation entre un dedans et un dehors, entre une tradition qui est celle d’une communauté religieuse et celle d’une société ouverte où il y a quand même des principes universaux.
Les Juifs n’étaient pas, à part quelques exceptions, acceptés dans les loges maçonniques allemandes ou françaises. Cela a changé en France avec la Révolution, alors qu’en Allemagne c’est seulement au milieu du XIXe siècle que cela fut le cas. Jusqu’à la révolution de 1848 où les Juifs sont acceptés dans la formation de la franc-maçonnerie, il y avait peu de loges sur le territoire allemand où les Juifs pouvaient servir la véritable humanité avec à leurs côtés les Chrétiens. Il y a par exemple une société qui se fonde aux États-Unis et qui s’appelle Odd Fellows qui imite la franc-maçonnerie et où les Juifs peuvent s’inscrire. Même s’ils remontent à Jésus-Christ et à ses disciples comme modèles, cela ne faisait pas du tout peur aux Juifs.

Le B’nai B’rith est fondé en 1843

L’ordre indépendant du B’nai B’rith est fondé en 1843. Cette idée germait déjà en 1841. Les fondateurs sont Isaac Rosenbourgh, Isaac Dittenhoefer, Joseph Seligman, William Renau, Henry Jones. Leurs motivations principales est de faire face aux conditions morales épouvantables de leurs coreligionnaires aux États-Unis dans le Nouveau Monde. Parmi les fondateurs on trouve aussi Michael Schwab, Ruben M. Rodacher, Henry Kling, Valentine Koon, Samuel Schafer, Jonas Hecht, Hirsch Heineman, Henry M. Anspacher. Henry Jones a proposé à ses amis juifs de fonder une loge purement juive sur le modèle des Odd Fellows à New York. Les fondateurs voulaient prendre un autre modèle que celui des chevrot médiéval (confrérie) et en octobre 1843 Henry Jones et William Renau ont fondé un rituel et écrit une constitution, préparés en détail à cette époque-là. Le 5 novembre 1843 a lieu la première réunion de la New York Lodge N°1 de l’ordre indépendant du B’nai B’rith. On admet à cette occasion un cordonnier, Simon Rosenfeld (âgé de 32 ans) et Samuel Friedsam. (menuisier de 42 ans).

Le bénévolat, l’amour fraternel et l’harmonie

Le bénévolat, l’amour fraternel et l’harmonie sont les concepts qui relient les membres de cette loge. Il y a donc une dimension universelle dans ces concepts. Évidemment, tout au long de la lecture de ce livre on peut se dire que l’envers du décor existe aussi puisque il y a beaucoup de conflits dans toute cette histoire du B’nai B’rith. Enfin, avec ces concepts universalisables le lien social a pris une toute autre forme pour les Juifs avec ce qui se passait dans le lien social américain et c’est, au fond, cela qui a été exporté dans le reste du monde et en particulier en Europe. Même si au début ce sont des Juifs allemands qui ont fondé cela. Ce qui conduit à interroger la nature du lien social quand il est relié à des idéaux universels : est-ce qu’il est si différent lorsqu’il n’y en n’a pas ? Ce qui se passe dans la réalité ne correspond pas vraiment aux idéaux. Il y avait par exemple dans une grande loge à New York des titres assez intéressants pour les administrateurs, formulés en hébreu. Ces loges au début utilisaient uniquement l’allemand, avant que l’on introduise par la suite l’anglais. Par exemple, le président de la loge était nommé le « Grand Nasi Abh », le vice-président le « Grand Aleph », le secrétaire le « Grand Sopher », le trésorier le « Grand Baal Ha Ginzach », le maître d’armes le « Grand Shomer », l’archiviste le « Grand Maskir », le Levy le « Grand Levy » et le grand prêtre le « Grand Cohen » : une sorte de société juive en modèle réduit. Les noms sont en hébreu, on parle allemand : c’est toute une mise en scène de ce qui se passe dans le rapport de ces Juifs allemands à la société allemande transposés aux États-Unis dans le rapport à la tradition juive.

Les frères de l’Alliance et les fils de l’Alliance

Il y avait en Allemagne des fraternités laïques connues des réformateurs juifs en Europe, des Bruderbünde. En allemand on a appelé au début Bundes Brüder (les frères de l’Alliance) ce qui est devenu B’nai B’rith en hébreu et en anglais, Sons of the Covenant (les fils de l’Alliance) dans la traduction d’un rabbin réformiste des années 1840 qui s’est occupé de la congrégation Emanuel-El à New York, Leo Merzbacher. On passe du frère au fils. Bruderbünde accentue Bruder, le frère, tandis que Bundes Brüder fait dominer Bund, le lien. Der Bund, c’est le lien, la bande, le nœud, la ceinture, le pantalon, la jupe, l’anneau, l’alliance, la ligue, la coalition, le pacte, l’association.
Cela renvoie à Freud (4) où les frères ne sont pas tellement dans l’amour puisqu’ils tuent le père primitif et qu’ils se haïssent entre eux car ils sont en rivalité pour posséder les femmes : c’est tout l’envers du décor d’une fraternité. Georg Simmel, membre de la loge de Berlin qui a inauguré la loge Maïmonide du Caire en 1887 dans son livre Secret et sociétés secrètes (5) , pense que le secret est une défense quasi agressive contre le tiers. Pourtant le secret élargit la vie pour lui. La confiance et la protection caractérisent la société secrète. L’histoire du B’nai B’rith passe de la défense contre le tiers et son exclusion à son intégration. C’est l’histoire des différentes métamorphoses dans le rapport au tiers interne et externe dans l’histoire du peuple juif à un moment particulier au 19ème siècle. Le B’nai B’rith devient lui aussi un tiers pour les Juifs et les autres.

L’universalité de la fraternité universelle

En 1850 lorsque le B’nai B’rith avait seulement neuf loges, il était confronté au problème de son universalisme. Cette universalité il l’a trouvée dans la fraternité universelle. Jusqu’où l’universalisme religieux d’un ordre juif moderne pouvait-il aller ? On voit bien cette tension entre universel et particulier sans qu’on tombe dans la dispersion, l’assimilation ou la conversion. Tout au long de cette histoire du B’nai B’rith, il y a le problème avec ceux qui ne sont pas Juifs : est-ce qu’on les accepte dans les différentes loges ? Cela s’est fait. Il y a également eu de nombreux mariages mixtes et beaucoup de personnes non pratiquantes, par exemple de nombreux dirigeants avec des femmes non juives sont présents dans ces loges. Ce n’est donc pas totalement pris dans un aspect orthodoxe ni dans la conversion : c’est entre les deux tout le temps. Ceci est intéressant non seulement pour l’histoire du B’nai B’rith, quand on sait que Freud faisait partie de cette association, on comprend mieux comment étant de langue allemande cela rejoint quelque chose qui était en lui. Ce n’est pas Freud qui est au B’nai B’rith mais le B’nai B’rith qui est en lui. Il vaut donc mieux avoir une idée de ce qui se passe à cette époque-là au XIXe siècle, une cinquantaine d’années avant que Freud n’y entre, pour en avoir une représentation.

True Sisters fondé le 15 avril 1848

Henriette Bruckman fonde le 15 avril 1848 l’ordre indépendant de True Sisters avec une dizaine d’autres femmes allemandes qui appartenaient au Temple Emanu-El. Cet ordre a été fondé par des femmes tout simplement parce que celles-ci étaient exclues du B’nai B’rith, organisation masculine. Elles rejettent les structures hiérarchiques et caduques de l’Europe centrale de l’ordre social et religieux, et vont dans le sens d’une démarche progressiste. Toute la place de la femme dans la société juive est en jeu à ce moment-là avec des clivages sociaux et sexuels.

Identité juive de groupe et société universaliste

Les discussions qui ont cours au B’nai B’rith se concentrent à cette époque sur ce qui se passe entre une identité juive de groupe et une société universaliste. C’est une tension permanente entre le groupe social particulier que représentent les Juifs et une société universaliste qui ne serait pas vraiment chrétienne. Le B’nai B’rith a intégré la déclaration d’indépendance des États-Unis dans sa constitution comme une sorte de déclarations des droits de l’homme et les a repris comme des fondamentaux du judaïsme. Le judaïsme devient ainsi une religion de l’humanité. On voit bien ici l’intervention des réformateurs juifs allemands. Un clivage s’opère entre l’ordre indépendant du B’nai B’rith et l’union des congrégations hébraïques américaines (Union of American Hebrew Congregations) et tend au fil des années à s’accentuer.

Justice sociale et amour fraternel

L’ordre, le secret, le port d’habits particuliers (regalia, étymologiquement des objets symboliques de royauté utilisés dans la franc maçonnerie) étaient importants pour le B’nai B’rith. Ce qui réunit encore les membres du B’nai B’rith c’est l’amour fraternel et l’amour entre proches. La tzedakah (la justice sociale consistant à faire des dons) est perçue comme un concept humiliant dans la mesure où il oblige chaque Juif à faire des dons, alors que l’amour fraternel et du prochain sont beaucoup plus accessibles pour les fondateurs de cette association. On met en avant quelque chose qui est du côté du christianisme sans qu’on soit chrétien, sans être vraiment protestant, en essayant d’être Américain tout en restant un peu Allemand, sans aimer trop les Juifs qui viennent d’Europe de l’Est et qui pratiquent la tzedakah. C’est donc très conflictuel même si cela a un rôle d’intégration aux États-Unis (et en dehors) pour les Juifs qui y arrivent car cela permet de créer du lien social en dehors du cadre religieux. Cela m’a interrogé sur la nature du lien social entre analystes puisque bien entendu il n’a cessé d’y avoir des hésitations entre le religieux au sens où les analystes devaient être des médecins, et le laïque au sens où les analystes ayant eu une formation non médicale pouvaient l’être aussi. On peut se demander si toute l’histoire de ce conflit qu’il y a autour du lien social entre analystes, médecins et profanes n’a pas un lien avec tout ce qui traverse le B’nai B’rith . (6)
Au lieu de promouvoir des relations fraternelles entre les Juifs et avec le monde non juif, cet ordre l’a transformé en un symbole d’une conscience judéo-allemande élitiste liée à une certaine stratification sociale. Le principe de l’amour fraternel et de l’amour du prochain est remplacé par des choses concrètes. Cela se joue par exemple au niveau des compagnies d’assurance puisque le B’nai B’rith propose au début des assurances vie moins chères qu’à l’extérieur, mais finalement plus chères que celles proposées par la société américaine pour ne pas en faire la raison principale de l’adhésion des membres. On ne s’inscrit donc pas forcément au B’nai B’rith pour l’assurance. Un problème concernant le développement de cette organisation se pose à ce moment-là.

Les Juifs d’Europe de l’Est arrivent en 1881

À partir de 1881, une émigration massive de Juifs d’Europe de l’Est engendre des conflits avec les Juifs allemands déjà présents. C’est une histoire assez différente de celle de l’Alliance Israélite Universelle, fondée en France en 1859 en réaction à l’affaire Mortara (7) où un enfant juif avait été converti de force au catholicisme, et d’autres institutions juives allemandes comme le Centralverein deutscher Staatsbürger jüdischen Glaubens fondé dans l’Empire allemand en 1893.
Ce qui est intéressant dans l’histoire du B’nai B’rith c’est que l’on voit apparaître une fusion entre l’identité juive et l’identité américaine dans les aspects laïc et religieux. Il n’y a pas un clivage total en réalité, pour cette raison c’est aussi un espace transitionnel. On se demande d’ailleurs si toute l’histoire de la psychanalyse n’est pas prise dans cette dimension-là. On doit le savoir pour penser le lien entre le particulier et l’universel à l’époque actuelle au début du XXIe siècle.

Les autres logées fondées

La loge Maïmonide est établie en Égypte entre 1886 et 1887, on n’y parle ni allemand ni anglais mais pour la première fois le français. En 1888, on trouve une initiative pour fonder une loge du B’nai B’rith à Jérusalem et qui est la première à adopter comme langue l’hébreu.
L’Alliance Israélite Universelle et le Centralverein deutscher Staatsbürger jüdischen Glaubens ne font pas ce que fait le B’nai B’rith, c’est-à-dire la promotion d’une religion moderne et active. Une première loge fonctionne aussi en mars 1889 à Bucarest. Entre 1871 et 1910, de 70 000 à 80 000 Juifs allemands partent dans une deuxième vague d’émigration aux États-Unis. Alors que la première vague était composée de rationalistes convaincus et de réformateurs, la deuxième vague manque totalement d’enthousiasme pour fonder une nouvelle identité juive aux États-Unis en tant que laïcs, comme c’était le cas en 1850. Ce qui les intéressait alors c’était la reconnaissance sociale et en cela ils s’éloignaient beaucoup de leurs coreligionnaires issus d’Europe de l’Est (qu’on nommait « Asiatiques »). On trouve des conflits lorsque par exemple certains ont voulu fonder une loge de Juifs polonais en 1880 : ils ont été violemment rejetés et insultés. Entre 1881 et 1911, un million de Juifs d’Europe de l’Est arrivent aux États-Unis : c’est un bouleversement total avec ces Orientaux qui apportent le socialisme et le sionisme auxquels le B’nai B’rith est totalement étranger. Irving Howe dans Le Monde de nos pères (8) raconte précisément cette histoire des Juifs d’Europe de l’Est aux États-Unis. Les Juifs allemands se sentent alors menacés dans leur intégration par l’arrivée nouvelle de ces Juifs de basse classe sociale. Ces problèmes sociaux existent bel et bien à cette époque. Ce qui nous intéresse du point de vue de l’inconscient c’est que derrière les idéaux il y a évidemment la réalité de l’inconscient et être sans idéaux c’est certainement pire. Freud (9) dans Psychologie collective et analyse du moi fait son sort à l’idéal du moi avec lequel le moi idéal de l’enfant tout puissant et merveilleux fusionne dans l’hypnose amoureuse ou dans la fusion avec le chef militaire ou religieux, mais sans idéal du moi dont on peut se démarquer, que devient-on ? Le B’nai B’rith joue le rôle d’un idéal du moi plus souple dans la tradition juive.

Bund et sionisme

L’objectif au départ de B’nai B’rith est d’intégrer les Juifs à la société américaine, ce qui est très loin de l’idée de développer un mouvement ouvrier juif de langue yiddish comme le Bund ou l’État des Juifs comme le sionisme qui réglerait tous les problèmes. Il s’agit de s’intégrer sans s’assimiler, en restant un peu religieux tout en étant plutôt laïc. D’une certaine façon toute l’histoire du B’nai B’rith dans le reste du monde consiste à développer le modèle d’intégration américaine des Juifs, mais à l’extérieur. Des sociétés qui se forment deviennent rivales l’une de l’autre. Ainsi la Society for Ethical Culture fondée à New York par Felix Adler (fils de Samuel Adler, rabbin du Temple Emanu-El) en 1871 était l’un des rivaux les plus dangereux à la fois du mouvement réformateur et orthodoxe. Ce sont des clivages internes qui existent encore aujourd’hui aux États-Unis.
Les True Sisters parlent plutôt en allemand et ont du mal à se mettre à l’anglais, elles ne respectent pas la cacherout.

Les idées progressistes

Les Juifs américains entre 1900 et 1914, sont confrontés au problème des idées progressistes. Comment se présente-t-on en tant que groupe ethnique particulier en tant que Juif et en tant qu’Américain ? Cela devient de plus en plus difficile à mesure que croissent les différences entre Juifs aux États-Unis. Entre 1900 et 1914, un million et demi de Juifs arrivent aux États-Unis en même temps que d’autres émigrants du monde entier. La tâche du B’nai B’rith a été de donner une nouvelle définition de la communauté juive qui a effacé les paramètres de l’organisation communautaire traditionnelle telle qu’elle a été conçue dans la kehillah. En conséquence le B’nai B’rith n’est pas resté une société américaine mais est devenue une organisation transnationale, quitte à adapter ce modèle dans chaque pays. La tzedakah est remplacée par la valeur universelle de l’amour du prochain. Le penchant au secret a été un handicap majeur dans la mesure où le B’nai B’rith s’est développé comme une organisation universaliste, ce qui était diamétralement opposé au sionisme. Il y a eu à un moment donné une reprise de contact avec l’Union of American Hebrew Congregations avec le rabbin Emile G. Hirsch de Chicago. L’Anti-Defamation League of B’nai B’rith (ADL) est une organisation fondée à Chicago en 1913 et qui concerne tous les individus, tous les groupes ethniques et toutes les religions au sein de la société américaine, devenue depuis indépendante.
Leo Baeck en 1925 s’est exprimé sur la différence des B’nai B’rith aux États-Unis et en Europe : « la seule chose en laquelle en définitive on peut croire c’est en ce que nous faisons. Si nous nous représentons un idéal, alors nous réalisons cet idéal et nous croyons en cet idéal. » Les idéaux du B’nai B’rith ont maintenu un lien social original à l’intérieur et à l’extérieur des États-Unis entre Juifs, ils ont également permis à des non Juifs ou à des Juifs qui s’étaient très éloignés du judaïsme d’y trouver une place. Les enjeux aujourd’hui étant tout à fait différents depuis la création de l’État d’Israël et avec les effets de la Shoah, font que le B’nai B’rith à la fois aux États-Unis et dans le reste du monde est tout à fait l’héritier de toute cette histoire et en même temps a une toute autre place qu’il faut encore inventer en travaillant ensemble.

Notes :
[1] Président de la loge Sigmund Freud.
[2] Wilhelm, C. (2007), The Independent Orders of B’nai B’rith and True Sisters. Pioneers if a New Jewish Identity. 1843–1914, Wayne State University Press, Detroit, Michigan, 2011.
[3] Malkam, D., L’histoire du B’nai B’rith, Berg International, Paris, 2003.
[4] Freud, S. (1913), Totem et Tabou. Interprétation par la psychanalyse de la vie sociale des peuples primitifs, Paris, Petite Bibliothèque, Payot, 1971.
[5] Simmel, G. (1908), Secret et sociétés secrètes, Circé, Strasbourg, 1991.
[6] Freud, S. (1926), La question de l’analyse profane, Gallimard, Paris, 1985
[7] Edgardo Mortara (Bologne, 27 août 1851 – Bressoux, près de Liège, 11 mars 1940 ), un garçon juif de 6 ans, vivant à Bologne en Italie et qui fut enlevé par les autorités papales en 1858 pour être élevé au sein de la religion catholique
[8] Howe, I. (1976), Le Monde de nos pères. L’Extraordinaire odyssée des Juifs d’Europe de l’Est en Amérique, Éd. Michalon, coll. « Essais », Paris, 1997.
[9] Freud, S. (1921), Psychologie collective et analyse du moi in Essais de psychanalyse, petite bibliothèque Payot, 1975.









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